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Années 80

Mode, Design, Graphisme en France

Une décennie historique qui résonne en France comme un tournant à la fois politique et artistique dans les domaines de la mode, du design et du graphisme, depuis l’élection de François Mitterrand en 1981 jusqu’à la chute du mur de Berlin en 1989. Les années 80 voient naître une nouvelle génération de designers – Olivier Gagnère, Elizabeth Garouste et Mattia Bonetti, Philippe Starck, Martin Szekely… – dans un contexte propice à la liberté d’expression.

La silhouette, elle aussi, se libère des injonctions de style et certains créateurs de mode sont élevés au rang de « superstars » comme Jean Paul Gaultier ou Thierry Mugler. La publicité, le design graphique et l’audiovisuel connaissent leurs années fastes avec Jean-Paul Goude, Jean-Baptiste Mondino et Étienne Robial. De la musique new wave au post-punk en passant par le hip-hop  : c’est toute une histoire de la fête qui s’écrit dans des lieux mythiques fréquentés par les noctambules du Tout-Paris.

La scénographie de l’exposition, conçue comme un carambolage de formes et de couleurs, a été confiée au designer Adrien Rovero. L’exposition est rythmée par trois thématiques qui reflètent le grand télescopage des idées et des formes propres à la décennie : une nouvelle ère politique et culturelle, le design en effervescence et le look des années 80. Inaugurant le parcours dans les galeries côté Tuileries, l’élection de François Mitterrand en 1981 annonce un changement décisif.

C’est sous l’impulsion de l’emblématique ministre de la Culture Jack Lang qu’est inaugurée la Fête de la musique le 21 juin 1982. Il œuvre aussi à une reconnaissance publique de la mode avec la création de l’Institut français de la mode (IFM) en 1986, l’organisation de défilés dans la Cour carrée du Louvre, les Oscars de la mode… La mode est marquée par la diffusion du prêt-à-porter qui touche l’ensemble de la société et remplace le statut de couturier par celui de créateur. Le look devient quant à lui l’expression d’un langage personnel. Dans le domaine de la publicité et du design graphique, ces années amorcent le départ de la communication visuelle globale, qui se partage alors entre le marketing grandissant des agences de publicité et le graphisme d’utilité publique émanant des ateliers de graphistes.

Les médias et l’audiovisuel connaissent un essor sans précédent. Étienne Robial crée le concept d’habillage télévisuel pour Canal+ puis pour M6 ou encore la 7. Cette multiplication des chaînes de télévision entraîne l’âge d’or du film publicitaire avec des réalisateurs emblématiques tels Étienne Chatiliez, Jean-Paul Goude ou Jean-Baptiste Mondino. La presse écrite se transforme : Claude Maggiori repense les couvertures de « Libération » et l’« art » du slogan investit tous les domaines.

Dans cette période d’effervescence, le créateur des années 80 brasse plusieurs esthétiques, tout comme le monde de la mode. Un design moderniste aux accents hightech côtoie des univers néo-baroques et primitifs qui exaltent les savoir-faire. L’action du VIA (Valorisation de l’Innovation dans l’Ameublement), initié en 1979 par le ministère de l’Industrie, attribue des « Cartes blanches » à toute une génération de jeunes créateurs.

Contrairement aux décennies passées, plutôt que des écoles ou des courants, ce sont de brillantes individualités qui sont mises en lumière : François Bauchet, Martine Bedin, Sylvain Dubuisson, Olivier Gagnère, Andrée Putman, mais aussi Philippe Starck ou Martin Szekely. Le VIA entraîne dans son sillage l’ouverture de lieux d’avant-garde dédiés à la création contemporaine : les galeries Perkal, Néotù, Yves Gastou, En attendant les barbares, Avant-Scène et Gladys Mougin.

Un vent de fête et de liberté souffle sur les années 1980 : les défilés se muent en shows spectaculaires, ouvrant la voie aux folles soirées dans des lieux devenus mythiques : Le Palace et les Bains Douches.

Dans ces clubs où le paraître est capital et l’excentricité, la règle, le Tout-Paris danse sur de la musique new wave, rock et hip-hop. La jeunesse diversifie ses groupes d’appartenance, faisant naître une multiplicité de sous-cultures possédant leurs propres looks.

De l’Antiquité aux années 30, un phénomène de revival s’empare de la mode. Thierry Mugler ou Claude Montana s’inspirent alors des silhouettes historiques quand Jean Paul Gaultier, Vivienne Westwood ou Chantal Thomass les parodient.

À l’inverse, Martin Margiela ou Rei Kawakubo pour Comme des Garçons tentent de déconstruire la notion de vêtement. Les corps athlétiques des mannequins sont moulés dans les créations d’Azzedine Alaïa ou de Marc Audibert quand les formes amples d’Issey Miyake ou d’Anne-Marie Beretta se veulent architecturales et deviennent un véritable support d’expression pour Elisabeth de Senneville et Jean-Charles de Castelbajac.

La mode s’empare du vestiaire masculin à l’instar de la célèbre marinière de Jean Paul Gaultier. Les marques grand public inondent l’espace urbain de leurs campagnes publicitaires comme Naf Naf, Kookaï ou Benetton. Au même moment, depuis le quartier des Halles alors en pleine mutation, agnès b. conçoit le vestiaire intemporel de la parisienne. Le grand défilé anniversaire de la Révolution française en 1989, à qui Jean-Paul Goude donne tout son éclat, conclut le parcours.

Le musée des Arts décoratifs, en retraçant les moments forts d’une période qui a bouleversé les codes, rend honneur à sa propre histoire : le musée de l’Affiche et de la Publicité, créé en 1982, et le musée des Arts de la mode, en 1986 – collections aujourd’hui rattachées au musée des Arts décoratifs –, sont une émanation de la politique des années Mitterrand et Lang. L’exposition rappelle combien les années 80 sont celles du carambolage des styles, de la spontanéité et de la liberté.

du 13 octobre 2022 au 16 avril 2023

MAD

107 rue de Rivoli 75001 Paris