Lou Benesch
Veilleurs

Artiste franco-américaine installée dans le Berry, Lou Benesch développe un univers peuplé de figures interéspèces, de symboles ésotériques et d’imaginaires oniriques. Elle tisse un monde d’interconnexions, d’associations symboliques, où la lumière et l’ombre cohabitent dans une harmonie vitale. Veilleurs est sa première exposition personnelle à Paris.
Peintes à l’aquarelle et à la gouache sur des papiers anciens qu’elle collectionne, ces œuvres révèlent des êtres chimériques, qui flottent entre architectures symboliques et nuées ardentes. Tels les genius loci, esprits gardiens dans la Rome antique, ces figures protectrices veillent. Elles veillent la nuit, lorsque nous dormons. Elles entourent, abritent, encadrent des paysages intérieurs par des gestes circulaires ou des compositions en miroir. Dans les œuvres de Lou Benesch, l’espace à protéger est d’ordre métaphorique. Il peut s’agir d’un habitat, mais également d’une citadelle symbolique, d’une ressource intérieure
ou d’un secret.

L’artiste convoque un bestiaire composé de dragons, serpents, sirènes, oiseaux géants qu’elle met en scène dans une cosmogonie personnelle, nourrie de folklore, d’illuminations médiévales et de visions nocturnes. Chaque être semble garder un trésor : la mémoire ancestrale, un rêve, un feu. Les strates successives et emboîtements visuels, renforcent l’idée d’une protection des pensées, une intimité à préserver. Comme le dit Lou Benesch, «Toute chose chérie devient un trésor. Ce qui est précieux demande soin et protection. Un gardien.»

Les vases sertis de pierres précieuses rappellent que l’ornement est porteur de vertus symboliques et protectrices, au-delà d’une fonction décorative. En peuplant ses œuvres de figures mythiques protectrices et en introduisant des objets amulettaires, Lou Benesch réactive la puissance de l’image en tant que talisman. Dire qu’une image est un talisman, c’est reconnaître qu’elle ne se limite pas à représenter : elle agit. Elle devient un support symbolique qui protège, invoque et révèle. Les images sont chargées d’intention, de mémoire et de pouvoir.

L’inventivité extrême de Lou Benesch l’inscrit dans une approche visionnaire. C’est par l’imagination que l’on peut envisager des rapports au monde différents. Elle instaure un rapport « métamorphique » comme dirait le philosophe Emmanuel Coccia, « Il n’existe pas de forme unique de vie. […] Nous venons toujours d’une autre forme, dont nous sommes la déformation, la variation, l’anamorphose. »
Dans l’œuvre de Lou Benesch la protection contient une promesse de transformation : un espace gardé devient un espace où quelque chose peut naître, croître, évoluer.
Oona Doyle