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PURISME(S)

Willi Baumeister – Marcelle Cahn

Otto Gustav Carlsund – Franciska Clausen

Le Corbusier – Amédée Ozenfant

Le Corbusier, “Nature morte puriste, lanterne, guitare, pichet et livre”, 1920

Le purisme naît en réaction au cubisme, que Le Corbusier et Amédée Ozenfant admirent pour sa modernité, mais qui leur semble être devenu abscons et parfois décoratif. Rigoureux et austère en théorie, véritable précurseur de l’art conceptuel, le purisme se déploie via un répertoire formel, favorisant la représentation d’objets standardisés : verres, bouteilles, pichets et compotiers, avec l’objectif d’en capter l’essence même : représentation ultra-lisible, proportions respectées, partage des contours, lignes dessinées avec application et remise en cause des codes de la perspective. Selon Le Corbusier et Ozenfant, une nouvelle esthétique doit émerger avec la simplification des objets et la quête de fonctionnalisme. La science constitue alors le terreau fondamental de leur esthétique, l’art devant révéler avec rigueur une forme de vérité supérieure. Le mouvement s’inscrit dans les avant-gardes de l’époque, à l’instar du simultanisme des Delaunay, du Bauhaus ou du constructivisme, en se donnant pour objectif de créer un nouveau langage.

Le Corbusier, “Nature-morte-puriste-verticale”, 1922

Première figure de l’exposition, Le Corbusier débute sa carrière artistique avec des compositions puristes : des peintures, des gouaches et des dessins parfaitement emblématiques du cœur de sa pratique puriste figurent dans l’exposition. Même après sa rupture avec Ozenfant, Le Corbusier n’a eu de cesse de réaliser les compositions d’objet tout au long de sa carrière. Cette courte mais cruciale étape de son développement artistique l’a profondément marqué. Chaque décennie, il est retourné au purisme en incorporant ses préoccupations formelles du moment, notamment en renouvelant sa gamme de couleur, cette partie composée d’œuvres plus tardives étant montrée à la Galerie Pascal Cuisinier. Il a aussi utilisé des compositions puristes pour explorer des mediums divers, à l’instar de la tapisserie qu’il a particulièrement affectionnée.

C’est Amédée Ozenfant qui, dès leur rencontre en 1917, a initié Charles-Edouard Jeanneret (le futur Le Corbusier) au cubisme, lui a exposé ses vues sur le purisme et lui a enseigné la peinture. Mentor, pédagogue et professoral, Ozenfant réalise les œuvres puristes les plus en phase avec les principes qu’il a forgés. La recherche picturale est soigneusement pensée en amont, préalablement à l’exécution des gouaches et des peintures finales. Les natures mortes d’Ozenfant se caractérisent par une facture ultra-synthétique de la représentation des objets, qui sont ramenés aux formes géométriques les plus simples.

Amédée Ozenfant, Nature morte puriste – Etude pour “Accords” ou “Fugues” 1921

Au-delà de ses deux inventeurs, l’exposition interroge la capacité du purisme à séduire des artistes aux profils et notoriétés diverses, parfois au-delà des frontières françaises. Bien qu’intellectuel et conceptuel, le mouvement est en phase avec le monde réel, alors marqué par la phénoménale avancée du progrès. La production d’objets standardisés, l’architecture fonctionnelle, les transformations urbaines, le renouveau des transports imprègnent les œuvres puristes. Dès lors, le mouvement a attiré un ensemble important d’artistes français et internationaux. Chacun d’entre eux a produit un purisme personnel, qui s’est souvent affranchi des préceptes des fondateurs. Franciska Clausen, danoise, s’est inscrite en 1924 à l’Académie Moderne de Fernand Léger et Amédée Ozenfant et a réalisé, lors de son séjour parisien, des œuvres d’inspiration puriste. Elle fut une des participantes les plus originales du mouvement, y ajoutant une touche surréaliste, peignant des compositions sensuelles et rêveuses, qui incluent le corps humain, qu’elle positionne en regard d’objets flottants.

Franciska Clausen, “Rue Delambre”, 1925

Marcelle Cahn est également une participante active au mouvement avec un parcours parallèle à celui de FranciskaClausen. Elève de Fernand Léger et d’Amédée Ozenfant à l’Académie Moderne au milieu des années 1920, elle réalise des compositions dans lesquelles elle intègre des éléments plus dynamiques que les autres artistes du mouvement. Elle est attentive au corps en mouvement, notamment aux moyens de transports (le tramway, les bateaux). Son approche du purisme, célébrant la géométrie des objets ou du corps humain, annoncent l’abstraction géométrique dont elle sera une des grandes figures de l’après-guerre.

Marcelle Cahn., “Nature morte puriste dite Lavabo”, 1925

Otto Gustav Carlsund, artiste suédois, entre à l’Académie moderne en 1924 (atelier de Fernand Léger et Amédée Ozenfant). Il fait la connaissance de Le Corbusier, puis de Mondrian. Avec Van Doesburg, il participe à la création du groupe Art concret en 1930. Peintre, créateur d’œuvres murales, également critique d’art, il joue un rôle important dans l’introduction des avant-gardes en Scandinavie.

Enfin, Willi Baumeister, l’un des artistes les plus éminents des avant-gardes du XXème siècle, a réalisé dans les années 1920 des œuvres très proches des préoccupations du purisme. Les deux créateurs du mouvement lui rendent hommage dans leur revue l’Esprit Nouveau, en le citant et en reproduisant ses œuvres. Baumeister se reconnaît une réelle affinité avec les avant-gardes françaises qui éclosent après la Première Guerre mondiale. Il admire que le purisme parvienne à allier une solide armature théorique et une production dynamique. Baumeister élabore des compositions lisibles, dans lesquelles les formes géométriques simples sont interconnectées et forment un tout. Il tire cependant de son inspiration machiniste des compositions dans lesquelles l’objet est décomposé. Ce faisant, il s’approche de l’abstraction.

Willi Baumeister, “Figur”, 1922

Malgré les rapports féconds entre ces créateurs, créatrices et de nombreux autres, le purisme a pu être parfois considéré comme un carcan étouffant. Ozenfant et Le Corbusier rompirent en 1925, ce dernier étant en quête de sensualité et de liberté personnelle que le purisme ne lui permettait pas. Trop exigeant peut-être, le mouvement s’est effacé au profit de l’abstraction et du surréalisme qui se sont épanouis au début des années 1930. Par sa quête d’ascétisme, par sa durée brève mais intense, par son idéal utopique, par son désir absolu de capter l’essence des choses, le purisme est l’un des précurseurs les plus remarquables de l’art conceptuel.

Un catalogue, avec des textes de Cécile Godefroy, Éric Mouchet et Michel et Yves Zlotowski,,publié aux Éditions Martin de Halleux accompagne l’exposition. La partie dédiée aux œuvres post-puristes de Le Corbusier est exposée à la Galerie Pascal Cuisinier, au 13, rue de Seine.

Le Corbusier, “Deux Bouteilles et Compagnie”, 1951

du 18 octobre au 20 décembre 2025


Galerie Zlotowski

20 rue de Seine 75006 Paris

Galerie Pascal Cuisinier

13 rue de Seine 75006 Paris