Michel Haas

La Galerie Dina Vierny, qui représente désormais la succession de l’artiste français Michel Haas, décédé en 2019, organise une exposition d’envergure qui se déroulera conjointement dans deux lieux, le 36 rue Jacob et le 22 rue Visconti (jusqu’au 13 mai), afin de présenter petits et grands formats de l’artiste réalisés sur près de 30 ans. Une série de gravures est également exposée à l’Entrepôt ( 7 rue Francis de Pressensé Paris 14, jusqu’au 9 juin) à l’occasion de la sortie du film qui lui est consacré, « On a eu la journée, bonsoir », de Narimane Mari, épouse de l’artiste.

Né en 1934 à Paris, Michel Haas étudie la philosophie, qui occupera toujours une place importante dans son oeuvre, tout comme la peinture de la Renaissance qu’il étudie aussi intensément. Son œuvre se nourrit également des nombreux voyages en solitaire qu’il effectue dans des contrées reculées du monde, où il découvre les arts premiers et les figures du paléolithique, libérées de tout cadre.

« Michel Haas s’inscrit en marge des grands courants figuratifs comme l’expressionnisme abstrait des peintres américains, du réalisme de l’école de Londres ou de la figuration libre en France. Il restitue à la peinture cette part de sensibilité, cet « hommage au périssable » qui fait de l’image quelque chose de tactile, une matière vivante à la place de l’éternel froideur du concept ou de la sévérité rigoriste des minimalistes. » (Dina Vierny)

Haas crée uniquement sur papier. Ce traitement de la matière est d’une telle importance que ce dernier indique méthodiquement dans ses archives « technique dans papier » plutôt que « technique sur papier », ce qui induirait à tord une primauté de la représentation sur le creusement de la matière. L’usage simple, immodéré et intime du papier, tour à tour robuste et délicat, devient la page blanche, à la fois convoitée et redoutée. Sans limite d’espace, plan vierge où flottent les sujets sans pesanteur, le papier devient le champ de tous les possibles. Les figures semblent alors lutter contre une dissolution inéluctable, « comme les formes de nos rêves ou notre mémoire, d’apparence diffuse et mystérieuse mais lourds de sensations et de réalité ». (Bertrand Lorquin)

Intemporelle, sa peinture célèbre l’humanité la plus simple, la beauté de la nature et l’objet du quotidien. Il explore cette réflexion dans la matière même du papier, fragile et éphémère, qu’il creuse et dépouille jusqu’à traduire une expérience vécue : passant un jour près d’un champ fraichement retourné, il se sent appelé par le dessous de la terre, par son intériorité sous-jacente. « Haas alterne la violence et la douceur, agressions et caresses, provoque ici l’hémorragie, là suture les plaies, aiguise l’éclat du fusain, étouffe la flamme des pastels, jusqu’à ce que le papier, tour à tour trempé, desséché, inlassablement trituré, griffé, labouré, pansé, troué et reprisé encore, prenne la consistance resplendissante et aveugle de « basalte et de lave », comme disait Mallarmé (…) » (Pierre Schneider)