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Philippe Mayaux

Dessins Animés

Si le choix de la peinture figurative effectué par Mayaux au début des années 1980 pouvait paraître « rétrograde » aux yeux de ses professeurs de l’école d’art de Nice, son intérêt récent pour les formes « natives », sa dilection pour l’aléa et le hasard le rendent suspect d’une régression plus grave encore, plus lourde de conséquences.

À plusieurs reprises déjà, il a flirté avec l’« esprit de la grotte ». Il s’est passionné pour les « grotesques », pour ce vertige archéologique d’un délire associatif. Un hasard des plus « objectifs » avait fait que la découverte des grotesques antiques était le fruit de recherches archéologiques menées dans la Maison dorée de Néron, enfouie plusieurs mètres sous terre. Ce qui passait pour être une grotte donna son nom à ce décor romain.

Livrant ses images au caprice d’une encre versatile, Mayaux s’aventure dans des grottes plus anciennes. La régression liée à cette exploration avait été dénoncée en son temps par un marxisme qui résumait la foi d’une époque dans le progrès que promettaient la science et la technique. Évoquant le stade d’une culture sous l’emprise de la nature, Friedrich Engels évoquait un « reliquat […] de ce que nous appellerions aujourd’hui stupidité. À la base de ces diverses représentations fausses de la nature, de la constitution de l’homme lui-même, des esprits, des puissances magiques, etc.1 ». Mayaux n’a pas cessé de revendiquer cette « stupidité ». Face à l’insouciance aveniriste des héros modernes, Sigmund Freud avait campé une humanité plus complexe.

« Sommes-nous en droit d’admettre la survivance du primitif à côté de l’évolué qui en est émané ? […] Nous rencontrons aujourd’hui encore toutes les modalités de vie les plus simples parmi les espèces vivantes. Celle des grands sauriens s’est éteinte pour faire place aux mammifères, et pourtant un représentant authentique de cette espèce, le crocodile, vit encore au milieu de nous. »

Mayaux est de ces grands sauriens… L’ironie avec laquelle il traite la science, les lois de l’évolution, les règles d’une perspective qui signe une maîtrise du monde relève d’un projet on ne peut plus cohérent, un projet par lequel s’éclairent, au-delà de l’anecdote d’une iconographie fantasque, ses liens avec le surréalisme.

Didier Ottinger, extrait du texte « L’envers est dans le fruit. », 2022.

du 13 mai au 25 juin 2022

Galerie Loevenbruck

6 rue Jacques Callot 75006 Paris